Portrait onirique

PORTRAIT ONIRIQUE

En 2018 je faisais la connaissance de Patrick Lowie au Salon du Livre Gay de Paris. En fin d'après-midi Patrick me demandait si je souhaitais lui dévoiler l'un de mes rêves afin d'en faire un portrait onirique. Quelques semaines plus tard je lui envoyais un rêve qu'il "trouva trop beau pour s'autoriser à le couper". Une sorte de texte à quatre mains pris forme, "un rêve dans le rêve, un jeu onirique dans lequel (Patrick) essaie, tant bien que mal, de disparaître pour réapparaître dans le réel".
Ce portrait a été publié parmi 66 autres dans le second livre de NEXT (F9). Vous y retrouvez mon rêve au mot près enveloppé de ceux - les mots ou les rêves ? -, fantastiques, de Patrick.

Pour le livre c'est par là :
http://e-pat.net/livres/next2.html


Dans le rêve, je pose nu devant le photographe. Je lui dis : Marc Kiska, je ne vous apprends rien en vous disant que les Caréliens parlent le carélien et que les Surréalistes veulent parler la langue du désir. C'est la première fois que je me souviens d'avoir rêvé de ma nudité. J'avais reçu un message d'un chaman du Chili qui me conseillait de me mettre nu à minuit devant un miroir – le plus grand possible - et, tout en regardant mon reflet, de répéter à haute voix : je t'aime, je t'aime, je t'aime. Il me suggéra également d'écouter les voix mentales critiques, jugements et autres insultes plus ou moins déguisées. Marc Kiska me demande de ne plus bouger. Je ne sais pas si j'ai bien fait d'accepter de poser nu, Monsieur Kiska. Je trouve mon corps trop blanc, trop courbé, trop pansu, et regardez mon sexe, il ne ressemble à rien ! Je suis déjà si peu convaincu par mon esprit, mon corps ne reflète aucun de mes fantasmes. J'ai dû parler très vite en bougeant et dans tous les sens car le photographe s'est mis à rire après avoir appuyé sur le déclencheur souple d'un vieux Rollei 35. Il neige dehors depuis six mois, un carrousel de la belle époque tourne à vide nuit et jour depuis toujours dans le fond du jardin, je reçois un SMS : je veux photographier tes quatre toi. Tout ressemble à un enterrement à rebourd. Toute cette blancheur. Marc Kiska me dit : Patrick Lowie, je vous attacherais bien à quatre ballons colorés gonflés à l'hélium. J'accepte.


Très vite je monte au plafond. Il se glisse dans un hamac et me cadre d'en-bas. Puis me dit : J'aimerais vous raconter mon rêve qui débute dans la grande salle d’un château en pierre. La salle est très haute de plafond, les murs sont faits de grosses pierres rectangulaires. Sur le devant de la salle, une assemblée richement vêtue se tient sur un balcon en demi-cercle, une sorte de tribune. Je suis un membre d’une troupe de cirque/spectacles de rue. Couvert d’un drapé brunâtre et sale, à moitié nu, j’exécute des tours sous les regards, au sol. Je jongle, danse avec les membres de ma troupe. Derrière nous, une foule de pauvres gens est réunie. Ceux-ci sont debout, collés les uns aux autres et portent des costumes du moyen-âge. Un garde avec un casque en fer médiéval s’approche de moi et me couronne d’un serre-tête moderne à oreilles d’ours en peluche. Je suis censé faire rire les gens importants rassemblés là, je dois faire le bouffon. Je fais des pirouettes, partagé entre le plaisir d’exercer cet art et d’être le centre de l’attention, et la haine de m’exécuter pour et sur les ordres de ces figures de pouvoir que je sais odieuses. Suite à mon intermède, sur un signe d’une espèce de roi, ma troupe et moi nous nous retrouvons entassés en rangs d’oignons dans un coin, sur un lit étroit. Un garçon est alors jeté parmi nous par des gardes. Il est seulement vêtu d’un pantalon. Ses cheveux sont raides et lui arrivent au menton. Ils sont d’un roux flamboyant et contrastent avec l’extrême blancheur de sa peau imberbe. Il est très maigre, à l’air fragile, mais digne. Il est d’une beauté simple, à demi enfantine, et je reste en admiration devant cet être presque angélique. Allongés sur le lit, nous sommes séparés par un membre de la troupe, je me redresse et lui dis tristement, pressentant un destin funeste : “pauvre petit mec”. Il me questionne, moitié défiant, moitié reconnaissant : “pauvre petit mec ?".



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